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 Création multimédia par les élèves : intégration dans une progression en français

Un projet interdisciplinaire : le site "gare de Tours"

motivations - présentation du projet - progression annuelle en français - description d'une séquence - spécificité d'un projet multimédia

Motivations

     Pourquoi créer un site internet avec des élèves ? Et pourquoi sur le sujet choisi : la valorisation d'un élément architectural local, la gare de Tours, dont l'architecte fut V. Laloux ?

- Ce projet, compte tenu du prestige dont jouit, pour l'instant, ce média, était une motivation en soi ; de plus, pour que les élèves comprennent mieux ce qu'est internet, rien ne vaut l'élaboration d'un site qui place en situation de créateurs et non de consommateurs.

- Le sujet choisi permettait une convergence entre plusieurs discipline (français, histoire, technologie et arts plastiques, sans oublier les langues anciennes), puisqu'il rendait possible l'étude du contexte historique de la construction de la gare, la lecture et l'écriture de textes variés, et un travail d'art plastique qui " revisiterait " les choix architecturaux de V. Laloux. La mise en page, incluant le travail de l'image, entrait dans les activités du cours de l'option Nouvelles Technologies Appliquées. Nous savions pouvoir bénéficier de la collaboration d'une " emploi jeune " ayant fait des études de graphisme pour nous aider dans l'esthétique du site. Les élèves de latin pouvaient mener des recherches sur l'influence de l'architecture antique et du lexique qui s'y rattache. La grande majorité des activités proposées pouvait donc s'insérer dans le cadre des programmes de quatrième.

- Enfin, le choix de ce sujet répondait à un objectif qui est l'éducation du regard, à travers l'étude d'un monument en apparence bien banal, une gare ; car, comme l'ont dit les élèves dans leur introduction, " Une gare est un monument fantôme : tout le monde la traverse, personne n'y fait attention. "



Présentation

- Accès au site (ouverture dans une nouvelle fenêtre)

- Conditions pratiques de la mise en œuvre :
     Durée de l'élaboration totale (codage compris) : deux trimestres.
     Participants : une classe de quatrième en français et histoire, un groupe de NTA, des classes d'art plastique de sixième et de quatrième d'un autre collège, un groupe de latinistes.
     Matériel et logiciels utilisés : salle en réseau de 12 postes, serveur, scanner ; logiciels : traitement de texte, logiciel de fabrication de pages en Wysiwyg, logiciel d'acquisition et de retouche d'images ; appareil photo numérique.

- Contenu du site.
Le site est divisé en quatre parties :
      • contexte historique et artistique (en particulier littéraire) de la construction de la gare, en s'attachant à ce qui a trait au monde ferroviaire.
      • contexte local, et raisons qui ont conduit au choix de l'architecte, Victor Laloux.
      • architecture : sont présentés la démarche générale de l'architecte et les choix décoratifs qui ont été les siens.
     
• " regards " sur la gare : ceux d'hier - les contemporains de Laloux - , ceux d'aujourd'hui, et ceux des élèves.

L'intégration du projet dans la progression annuelle en français

Compte tenu de son ampleur, l'élaboration des pages du site s'est faite lors de trois séquences différentes :

- une séquence sur la lettre, où l'accent a été mis sur la mise en forme de lettres administratives, après une réflexion sur les différents types de lettres, introduite par une " réponse " de P. Desproges au trésor public. Les élèves ont en effet rédigé des lettres de demande de renseignements et de droit de publication (au Musée des Beaux Arts de Tours, aux Archives Municipales…). Cette séquence a permis aussi d'approfondir la notion de niveau de langage.

- une séquence sur le texte explicatif, au cours de laquelle ont été rédigées par groupes les nombreuses notices qui deviendront des pages Internet. Cette séquence a été précédée d'une visite aux archives municipales ou d'une visite de la gare guidée par un architecte. Les élèves ont rédigé des notices à partir de leurs notes, et d'un dossier documentaire qui leur a été remis (articles de journaux, extraits de livres…).

- Une séquence d'études de textes littéraires du XIX° siècle autour du thème : le chemin de fer dans la littérature du XIX° siècle. Cette séquence a été faite en parallèle avec les recherches effectuées en histoire ; elle se situe à une époque de l'année où les élèves n'ont pas encore abordé de manière formelle le discours descriptif et n'ont que très peu de notions sur le discours argumentatif, qui n'a été abordé qu'à l'oral.

Description détaillée d'une séquence

Les pages qui sont le résultat de cette séquence peuvent être consultées à partir de l'adresse suivante : http://perso.micro-video.fr/cpc/gare/index1.htm , en sélectionnant le menu " contexte historique ", puis le lien " les artistes et le chemin de fer ". Pour accéder au travail sur les définitions métaphoriques, choisir le menu " regards ", puis le lien " petit lexique fantaisiste et ferroviaire ".

Présentation de la séquence.
Objectifs :
dominante : lecture de textes littéraires.
1. Repérage des principales caractéristiques de chaque forme de discours et prise de conscience du fait que les différents types de discours se combinent.
2. Découverte et mises au point sur les figures de rhétorique au service de la signification du texte.
3. Formation d'une culture littéraire et artistique.

Support
Objectif de lecture
langue
écriture
oral
Alfred de Vigny, Les Destinées Première approche du discours argumentatif (texte poétique) lexique de l'évaluation péjorative et méliorative (marqueurs lexicaux)
comparaison et métaphore
orthographe : les finales des noms en -té et -tié
Exercices d'insertion de termes péjoratifs ou mélioratifs remplaçant des termes neutres Récitation ; choix du lecteur pour le site Internet
Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingt jours, 1873 Texte narratif ; les figures de rhétorique et leur rôle dans la signification du texte comparaison et métaphore, sujet inversé, répétition, antithèse
classes de mots (révision ; préparation à l'écriture de définitions)
Ecriture individuelle, puis collective de définitions métaphoriques Justifier ses choix dans l'élaboration commune de définitions
Victor Hugo, Les misérables, 1° partie, livre 1 Réinvestissement et approfondissement du travail sur les figures de style      
Claude Monet, la gare Saint Lazare Analyse d'image : le jeu des couleurs
Fichier RTF (8K)
     
Emile Zola, La bête humaine, 1890 Intégration de la description dans la narration
Première approche : le point de vue (prise en charge de la description par un personnage)
Rapprochement entre le texte littéraire et l'œuvre picturale
lexique spécialisé (le monde ferroviaire)
connecteurs spatiaux
   
Synthèse des lectures
  Rédaction collective de la notice générale
Rédaction par groupes de la présentation de chaque texte
 


Outre des évaluations intermédiaires, cette séquence a été suivie d'une évaluation finale intégrant des textes d'autres auteurs du même siècle (par exemple, la description de la gare dans Bel Ami, de Maupassant).
Les textes étudiés sont publiés sur le site réalisé par les élèves, dans la partie contexte historique (les artistes et le chemin de fer).

Le rôle des TICE dans cette séquence :

Documentation de l'enseignant : recours à des bibliothèques virtuelles munies d'un outil de recherche, qui ont permis de constituer rapidement un corpus de textes dans lequel ont été choisis ceux qui correspondaient aux objectifs de la séquence.
Activité de lecture d'image (tableau de Monet) : travail en salle informatique à partir d'images placées sur le serveur (sous forme de fichiers HTML : intranet) ; réponse à un questionnaire sur traitement de texte.
Préparation des synthèses : réflexion pour une présentation multimédia ( disposition du texte, code couleur, animation, fichier sonore, illustrations...)
Mise en forme de l'illustration par les élèves de NTA, à partir de recherches faites au CDI.

Écritures.

Les activités d'écriture ont été faites suivants des modalités très variées : écriture individuelle, par groupes de taille variable (deux ou quatre élèves), collective, cette dernière modalité permettant souvent des discussions fructueuses sur le terme ou la tournure la plus appropriée. Les modalités de réécriture ont été, elles aussi, variées. Les activités de correction ont été mieux vécues car les élèves savaient que leurs textes atteindraient des lecteurs autres que le professeur (le site a d'ailleurs participé à un concours départemental).



La spécificité d'un projet mutimédia : quels apports et quelles difficultés ?

Pareil projet aurait certes pu trouver une concrétisation autre qu'un projet multimédia, et il serait vain de croire que les élèves ont travaillé la majorité du temps devant leurs ordinateurs : une grande partie du travail s'est fait sur de multiples maquettes papier avant de passer à l'étape de mise en forme informatique, ce qui n'a d'ailleurs pas été sans engendrer quelques frustrations (" Nous n'avons pas beaucoup travaillé sur les ordinateurs, c'est ceux de NTA qui l'ont fait le plus. Donc je trouve que ce n'est pas normal, car c'est le site des 4°4, pas que des NTA. ", déclare une élève).
Il est alors légitime de se poser la question du bénéfice spécifique à attendre d'une réalisation collective d'un produit multimédia.

- Réalisation technique à la portée des élèves, puisque le traitement des images et la mise en page ont été faits par des élèves - quelques éléments techniquement plus difficiles à réaliser (les animations ou les boutons qui changent d'aspect) ont été réalisés par les enseignants ; une publication sur papier aurait été plus complexe et plus coûteuse. Lors de la réalisation du projet, les élèves ont été actifs à toutes les étapes de la création.

- Participation à un projet collectif menant à une réalisation concrète. Les élèves, quand ils ont évalué eux-mêmes le travail accompli, ont été sensibles à cet aspect collectif : " Ça nous a appris à nous débrouiller seuls et à travailler en groupe ", " J'ai appris beaucoup de choses sur V. Laloux et sur la manière de me comporter en groupe et à écouter les autres ", " Notre travail personnel a servi à faire un travail d'ensemble ". La satisfaction vis-à-vis du produit fini vient du fait que les élèves auront le moyen d'en garder trace : un cédérom doit être gravé pour chacun des participants. Les élèves ont majoritairement une opinion favorable de leur travail ; ils ont en particulier été très sensible à la mise en valeur de leurs activités par les choix esthétiques du site.

- Intégration d'éléments multimédia, en grande majorité des éléments iconographiques. Les élèves ont été conduits à une réflexion sur les fonctions de l'image : au-delà du simple désir de rendre vivant le texte (une page sans image serait une page peu attractive), les élèves ont pris conscience qu'une image peut avoir d'autres fonctions qu'esthétique ou informative. Ils ont dû réfléchir au lien entre le texte qu'ils avaient écrit et l'illustration qui l'accompagnait (voire l'inverse : pour les éléments architecturaux, les élèves ont travaillé à partir des photos prises lors de la visite et ont fait les recherches documentaires, puis écrit le texte... pour expliquer la photo !).

- Construction de l'hypertexte et travail méthodique.
Participer à un projet complexe demande à l'élève d'apprendre à situer le texte qu'il écrit au sein d'un projet global, et de comprendre à quel endroit de l'arborescence va se placer le fichier qu'il prépare. L'élève s'insère donc dans une activité globale nécessairement méthodique. En effet, l'hypertexte donne accès une organisation non linéaire de l'information, ce qui ne veut pas dire une organisation déstructurée. Le recours à l'hypertexte permet en outre, avec de jeunes élèves, de fournir une somme importante d'informations sans complexifier la structure du discours, mais en respectant la hiérarchisation des données : l'élève " crée des liens " entre les différentes informations. (Ex : page sur les matériaux)
Voir l'arborescence du site: fichier RTF (64K)

- Écriture "pour quelqu'un" : prise en compte du destinataire. Certes, le travail d'écriture des lettres de type administratif a demandé une prise en compte du destinataire (" on savait qu'on écrivait à des personnages importants ") ; mais le destinataire des pages Internet, pour être virtuel, n'en a pas moins été présent : c'est en référence à ce destinataire virtuel que la longueur des textes a été déterminée ( pas de pages trop longues... difficile quand on doit faire la synthèse de plusieurs documents) ; choix du registre de langue, des définitions à apporter pour les mots jugés difficiles, réflexion sur des lignes directrices de mise en page ont été faits en référence à ce lecteur virtuel... Les contraintes éditoriales ont dû être respectées : ne pas recopier les textes d'autrui, citer entre guillemets, identifier ses sources.
La difficulté principale rencontrée par les enseignants lors de cette expérience a été celle de l'écriture bien plus que celle du contenu. Nous étions en effet partagés entre le désir d'authenticité (que ce qui est publié soit le fruit du travail réel de l'élève) et le souci de lisibilité des pages (qualité de la langue). Beaucoup de textes ont fait en cours de français l'objet de plusieurs réécritures, mais ces activités ne permettaient pas - sauf à accepter de longues séances fastidieuses pour tous - d'aboutir à un résultat totalement satisfaisant. Certains textes ont dû être amendés par les enseignants. Tout texte écrit par un élève a donc été réécrit, soit par lui-même, soit par un groupe, soit collectivement par l'ensemble de la classe (en comparant par exemples plusieurs versions d'un même texte écrit par des élèves différents), puis, si besoin était, corrigé par l'enseignant.

En guise de conclusion... l'avis des élèves.

Une rapide enquête écrite a permis de faire le point quelques semaines après la fin de l'activité. Les activités que les élèves ont le mieux vécues (outre les visites, bien sûr) concernent les activités d'écriture : la rédaction de lettres administratives et l'écriture commune de définitions " fantaisistes et ferroviaires " l'emportent sur les autres activités. Les élèves ont estimé très majoritairement aussi que ce projet avait éveillé leur intérêt pour les monuments historiques, modifié leur manière de les regarder, et augmenté leurs connaissances culturelles. Enfin, ils ont souligné que la participation à ce projet avait amélioré leurs capacités à travailler en groupe. Par contre, bien peu estiment qu'ils ont par la même occasion fait des progrès en français (lecture et écriture) ! On peut s'interroger sur cette réponse (d'autant plus que certains estiment avoir " beaucoup écrit ") et se demander si une raison de cette réponse n'est pas - entre autres - une vision figée de la discipline : cent fois sur le métier...

Sylvie Royo, Professeur de Lettres Classiques, collège Corneille, Tours.
Adresse électronique : sylvie.royo@ac-orleans-tours.fr

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