Huit versions littéraires d'une  série de Monet: Les falaises D'Etretat

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Vous écoutez Arabesque1 de Claude Debussy  Sequence ©  Robert S.Finley by permission.
Original from the Classical MIDI Archives

Monet a peint plusieurs tableaux d'après le motif des falaises d'Etretat ou de paysages des environs. Plusieurs critiques ou écrivains ont évoqué  un des tableaux de Monet soit explicitement, soit en décrivant un tableau ou un paysage fictif d'après Monet.

 

 

 

 


Texte 1

Le motif est toujours bien choisi : ce sera une puissante falaise aux végétations tordues, rissolée par la brise de mer, découvrant par place sa vigoureuse ossature et regardant dans les eaux bleues la silhouette de son ombre. Une maisonnette au toit rouge se dresse dans un coin, comme pour donner le la.

Alfred de Lostalot, article paru dans la Gazette des Beaux-Arts, 1°avril 1883 p. 343

Texte 2

 

L'aiguille d'Etretat — et, voilures bleutées à peine, de volantes barquettes s'invertissent cruement dans cette nappe dont le violet se mue là-bas en vert glaceux, précurseur de bleus hésitant et d'incarnadins furtifs. Temps de pluie : les rocs, l'aiguille se dissolvent dans cette brume où de délicates harmonies jouent.

Félix Fénéon,  Article paru dans La Vogue du 28 juin- 5 juillet 1886

Texte 3

Par delà la jetée, l'œil devine des espaces incertains, des plages roses, des criques argentées, des falaises d'un bleu doux, poudrées d'embrun, si légères qu'elles semblent des vapeurs, et la mer toujours et toujours le ciel, qui se confondent, là-bas, dans un mystérieux et poignant évanouissement des choses [...]

Octave Mirbeau, Le Calvaire, Mercure de France, "Mille pages" p.258. Le roman est paru en 1886

 

Texte 4

Une infinité de lacs céruléens, de criques mauves, de fleuves empourprés, de maelströms livides, étrangements découpés par des soubresauts de terres rocheuses ou bordées de grèves orangées; une confusion météorique de reflets, de lumières errantes, de flamboiements chromatiques où passent des vols de barques aux voiles qui saignent dans le soleil et s'irisent dans la brume.

Octave Mirbeau, Sebastien Roch Mercure de France, "Mille pages" p.831

Texte 5

Le genre de vérités qu'il dit, la manière de les dire qui est en elle-même un genre de vérité, nous fait dire : « C'est bien un Monet. » Mais tout ce Monet ne fait que nous répéter : « Dieu, qu'il y a de soleil aujourd'hui sur la mer, voyez comme les ombres sont noires et fraîches, voyez comme les pierres sont roses, voyez comme au loin les bateaux papillonnent dans une mer volatilisée, mais ayant aussi, le plus petit, sa petite ombre noire (F. d'Etretat)

Marcel Proust Jean Santeuil, Fragments divers.

Les textes qui suivent sont tous extraits de A l'ombre des jeunes filles en fleurs de Marcel Proust

Texte 6

Dans un tableau pris de Balbec par une torride journée d'été, un rentrant de la mer semblait enfermé dans des murailles de granit rose, n'être pas la mer, laquelle commençait plus loin.[...] D'autre lois se dégageaient de cette même toile comme, au pied des immenses falaises, la grâce liliputienne des voiles blanches sur le miroir bleu où elles semblaient des papillons endormis, et certains contrastes entre la profondeur des ombres et la pâleur de la lumière.

Texte 7

« [...] regardez comme ces rochers puissamment et délicatement découpés font penser à une cathédrale. » En effet, on eût dit d'immenses arceaux roses. Mais, peints par un jour torride, ils semblaient réduits en poussière, volatilisés par la chaleur, laquelle avait à demi bu la mer, presque passée, dans toute l'étendue de la toile, à l'état gazeux. Dans ce jour où la lumière avait comme détruit la réalité, celle-ci était concentrée dans des créatures sombres et transparentes qui par contraste donnaient une impression de vie plus saisissante, plus proche, les ombres.

Texte 8

[....] je pus distinguer tout à coup à mes pieds, tapies entre les roches où elles se protégeaient contre la chaleur, les Déesses marines qu'Elstir avait guettées et surprises, sous un sombre glacis aussi beau qu'eût été celui d'un Léonard, les merveilleuses Ombres abritées et furtives, agiles et silencieuses, prêtes, au premier remous de lumière, à se glisser sous la pierre, à se cacher sous un trou et promptes, la menace du rayon passée, à revenir auprès de la roche ou de l'algue dont, sous le soleil émietteur des falaises et de l'océan décoloré, elles semblent veiller l'assoupissement, gardiennes immobiles et légères, laissant paraître à fleur d'eau leur corps gluant et le regard attentif de leurs yeux foncés.

Pour une brève analyse de l'ensemble des textes,cliquez ici

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