APPROCHES POLYPHONIQUES DU DEJEUNER
SUR L'HERBE DE MANET PAR EMILE ZOLA
Cette séquence prend pour point de départ le
tableau d'Edouard Manet et les trois traitements que lui réserve
Zola : deux extraits de l'œuvre et une critique d'art dans un
ouvrage consacré à Edouard Manet. Cet ensemble offre
une occasion peu fréquente d'étudier les rapports entre
histoire de l'art et histoire littéraire, peinture, critique
et fiction romanesque. Cette séquence peut s'intégrer
en classe de première à l'étude du roman ou en
seconde à l'approche des mouvements réalistes et naturalistes.
LES OBJECTIFS PEDAGOGIQUES
-
Montrer l'interaction entre
histoire de l'art et littérature
-
Etudier un langage spécifique
que les élèves ont peu l'occasion d'aborder : le
vocabulaire de la critique d'art
-
Mettre l'accent sur un
phénomène culturel et sociologique : la rupture
entre les créateurs et le grand public.
LES PREREQUIS
Un travail de recherche et d'information préalable est nécessaire
en histoire de l'art, histoire et histoire littéraire afin
de fournir le contexte dans lequel sont apparus les documents qui
font l'objet de l'étude.
Il s'agit notamment de préciser:
En histoire de l'art : l'apport de Manet qui rompt avec la
technique du modelé et choisi des sujets en rapport avec ce
que Baudelaire appelle la modernité comme dans le Déjeuner
sur l'herbe. Il convient également de situer Manet par rapport
au courant 'impressionniste.
En histoire : la lutte
entre les peintres modernistes et les artistes académiques
qui incite Napoléon III à créer le salon
des refusés voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Salon_des_Refus%C3%A9s
En histoire littéraire
: le rôle de Zola dans le combat pour la peinture moderne et
plus généralement l'intérêt qu'ont eu les
écrivains de la deuxième moitié du XIX° siècle
pour la peinture (Cf. Maupassant, Huysmans, Mirbeau)
LA DEMARCHE
-
Une première séance
est consacrée à l'analyse du texte 1 selon deux
axes:
Montrer en quoi la description du tableau de Claude Lantier s'inspire
directement du tableau de Manet
("Dans un trou de forêt, aux murs épais de verdure,
tombait une ondée de soleil; seule, à gauche, une
allée sombre s'enfonçait, avec une tache de lumière,
très loin[…] Et, comme au premier plan, le peintre avait
eu besoin d'une opposition noire, il s'était bonnement
satisfait, en y asseyant un monsieur, vêtu d'un simple veston
de velours."). mais aussi comment l'écrivain introduit
des changements qui inscrivent le tableau dans la fiction (une
femme nue était couchée, un bras sous la tête
[…] Ce monsieur tournait le dos, on ne voyait de lui que sa main
gauche, sur laquelle il s'appuyait, dans l'herbe.)
Ces observations permettent une
première conclusion sur la manière dont l'écrivain
naturaliste utilise et transforme le matériau emprunté
à la réalité.
-
La deuxième piste
consiste à montrer que la description du tableau du point
de vue de Sandoz-Zola correspond à la vision d'un amateur
et même d'un spécialiste :
- Utilisation d'emblée d'un vocabulaire
technique qui met en avant l'artefact avant la scène
représentée :
C'était une toile de cinq mètres sur trois […]
l'ébauche. […] quelques morceaux
- L'évocation
privilégie les éléments plastiques plutôt
que les figures représentées (deux adorables
notes de
chair. [… ] les verts des feuilles […] une opposition noire)
- De même on insiste sur l'importance
de la lumière si chère aux impressionnistes
: une ondée de soleil […]
une tache de lumière, […] la pluie d'or .
- Cette utilisation d'un vocabulaire
spécifique s'accompagne de jugements de valeur qui
font de
l'observateur un critique qui parle d'ardente vie, de violence
superbe et conclut par Très belle d'indication, la
femme !
La deuxième séance
commencera par une étude rapide du texte 2 qui met en évidence:
-
L'attachement du public
au sujet et son malaise devant le caractère réaliste
de la scène (ce qui choque le public c'est l'insertion
du nu dans un décor contemporain (costumes des hommes)
-
Le jugement du narrateur,
parlant encore comme critique éclairé, qui fustige
l'inculture du public en évoquant: "la bouche ronde
et bête des ignorants qui jugent de la peinture, exprimant
à elles toutes la somme d'âneries, de réflexions
saugrenues, de ricanements stupides et mauvais, que la vue d'une
œuvre originale peut tirer à
l'imbécillité bourgeoise."
Il est ensuite intéressant
de confronter ces deux textes avec la critique d'Emile Zola pour
-
Faire
apparaitre et expliquer une analyse qui tente d'interpréter
le divorce entre l'œuvre du peintre et le public :" Les peintres,
surtout Edouard Manet, qui est un peintre analyste, n'ont pas
cette préoccupation du sujet qui tourmente la foule avant
tout; le sujet pour eux est un prétexte à peindre
tandis que pour la foule le sujet seul existe."
-
Retrouver l'emploi d'un
vocabulaire spécifique pour évoquer la dimension
plastique du tableau à l'instar du texte1 et presque dans
les mêmes termes : "des oppositions vives et des masses
franches […] ses premiers plans si larges, si solides, et ses
fonds d'une délicatesse si légère; […] grands
pans de lumière […] une adorable tache blanche au milieu
des feuilles vertes."
En fin de parcours un temps de
synthèse doit permettre de faire le point sur les questions
suivantes :
-
Quels sont les rapports
respectifs entre le tableau de Manet, le travail critique de Zola
et le roman?
-
Quelles positions Zola
cherche-t-il à défendre à travers ces textes?
Ce moment permet de mettre l'accent sur un aspect qui va concerner
toute la production artistique dès la fin du XIX° siècle
et pendant tout le XX° siècle : la dimension spéculaire
du l'art qui porte toute l'attention sur le processus et les moyens
de l'œuvre en relativisant l'importance du référent.
USAGE DES TICE
Outre la collation des documents et des informations sur internet
et l'édition (virtuelle et sur papier) de certains de ces documents,
la séquence a été entièrement menée
à l'aide du TBI.
Christian
PERRIER
Lycée Marguerite de Navarre, Bourges
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