Connaître : FICHE DOCUMENTAIREsur   L’enterrement du Comte d’Orgaz   du Gréco Christian Perrier

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Le contexte historique

Crétois de naissance, le Gréco arrive en Espagne en 1577 et il y meurt en 1614, ce qui signifie qu’une large part de son activité picturale se déroule pendant  une des périodes de ce que l’on a appelé le Siècle d’or espagnol , celle qui couvre les vingt dernières années du règne de Philippe II (né en 1527 et mort en 1598)

 Pour ce qui nous intéresse, nous retiendrons de cette période de l’histoire de l’Espagne qu’elle fut une période très intense pour le catholicisme : le roi mène une politique de lutte systématique contre les autres religions et contre le protestantisme, l ‘Eglise jouit d’un prestige immense et de moyens matériels considérables. La pensée théologique connaît un grand développement (Vitoria, Soto, Báñez, Molina, Mariana, Suárez) et des mystiques comme sainte Thérèse d’Ávila, fray Luis de León, saint Jean de la Croix fréquentent Tolède à la même époque que le Gréco.

Tolède n’est plus la cité impériale puisque la capitale a été transférée à Madrid mais la cité connaît néanmoins une très grande activité religieuse, intellectuelle et commerciale.

Ces conditions ont largement contribué au déploiement de la peinture mystique du Gréco.

Le peintre : quelques points à retenir

Né en 1541 à Candie (Héraklion) en Crète qui était à l’époque un protectorat de la république de Venise, Domenikos Theotokopoulos, dit le Greco se rend dès 1566 à Venise où il collabore à l’atelier du Titien.

De 1570 à 1576 il séjourne à Rome où il peut côtoyer les maniéristes italiens. Il est marqué surtout par l’art du modelé de Michel-Ange.

Les travaux du palais de Philippe II, L’Escorial l’attirent en Espagne mais ses espoirs de commandes royales sont partiellement déçus : son art est trop particulier pour plaire vraiment  au roi. C’est à Tolède, où il arrive au printemps 1577 qu’il trouve son épanouissement dans un contexte de renouveau spirituel, ceci malgré ses démêlées permanentes avec ses commanditaires religieux à propos du prix de ses tableaux. Il meurt à Tolède en 1614.

Le tableau

Circonstances qui ont présidé à l’exécution du tableau. (Source : José  Gudiol, le Gréco, ediciones Poligrafa)

L’enterrement du Comte d’Orgaz est une commande que le Gréco reçu en 1586  du curé de l’église San Tomé de Tolède (où le tableau est encore exposé). Il commémore un événement et une légende que l’on situe deux siècles et demi plus tôt, les funérailles d’un gentilhomme nommé Gonzalo Ruiz de Tolédo, seigneur de la ville d’Orgaz (seuls ses descendants eurent le titre de Comte). Ce gentilhomme fit reconstruire à ses frais l’église Santo Tomé où il est enterré. Sur son tombeau est rapportée une légende concernant son enterrement :  Au moment où les prêtres allaient le porter au tombeau, St Etienne et St Augustin, descendus du ciel, l’enterrèrent de leurs propres mains.

Il est précisé également par cette inscription  que les habitants d’Orgaz, par testament de Gonzalo Ruiz, devaient apporter un tribut annuel à la paroisse de Santo Tomé et à ses pauvres. Or le bourg d’Orgaz ne s’acquitta pas de cette obligation et le curé de Santo Tomé leur intenta un procès qu’il gagna en 1570 .  C’est pour commémorer cette victoire que  l’évêque autorisa l’exécution du tableau.

Il est intéressant de noter qu’à l’origine d’un des tableaux qui marque l’apogée de la peinture mystique, il y a une bien prosaïque querelle d’intérêt.

Pour identifier certains éléments du tableau

Les deux personnages en costumes chamarrés qui portent le corps du Comte d’Orgaz sont St Etienne (à gauche) et St Augustin. Sur la robe de St Etienne, un « tableau dans le tableau » représente le martyr de ce saint.

L’enfant en bas la gauche est le fils  du Gréco : la date de 15 78 qui figure sur le mouchoir porté par l’enfant est sa date de naissance.

Plusieurs identifications sont possibles pour les personnages. Retenons-en deux : la figure qui surplombe St Etienne, seul personnage qui regarde le spectateur, serait un autoportrait du Gréco.

D’autre part, Philippe II est représenté parmi les vénérables assis en haut du tableau à la gauche du Christ (droite du spectateur : il se distingue des autres personnages par le port de la fraise et la position de sa main droite

L’enterrement du Comte d’Orgaz   dans son contexte  artistique

Du point de vue du genre, L’enterrement du Comte d’Orgaz    appartient à la fois à la peinture religieuse par l’importance de la dimension surnaturelle et à la peinture d’histoire. Depuis l’antiquité, histoire et légende sont étroitement mêlées voire confondues.

Il n’est pas difficile de reconnaître dans le jeu brillant des couleurs et des lumières qui se manifeste dans le tableau l’influence de la peinture Vénitienne et en particulier du Titien que le Gréco admirait.

On peut par ailleurs pour cette toile invoquer l’art baroque à cause de l’impression de profusion qu’elle procure et des formes tourbillonnantes qu’elle déploie

De même que si l’on retient l’une des définitions qui a été donnée pour le Maniérisme  (irréalisme spatial, allongement des proportions des figures, verticalisme), on pourra qualifier le Gréco de peintre maniériste.

Cependant ces différents aspects sont tellement liés à la vision surnaturelle du peintre qu’il demeure inclassable et finalement irréductible à toute école.