Travaux Personnels Encadrés
en première littéraire
601 Lycée Marguerite de Navarre (Bourges)
Professeurs encadrant les TPE : Anne Savi (italien) Christian Perrier (français)
Les Castrats: Monstres ou Créatures divines?
par
Auriane Becker et Julie Maridet
Ce travail a fait l'objet d'un dossier papier étayé par un diaporama
avec musique puis d'une page web
I- Naissance et grandeur des Castrats
I.1- Naples: la ville "baroque" par excellence
I.2- "De l'art d'être Castrat"
I.3- Paysage musical du moment: tendances et protagonistes
II.1- Les Castrats: Monstres ou Créatures divines?
II.2- Le "péché mignon" de l'Eglise?
Synthèse rédigée pour la soutenance du TPE
L'histoire
des Castrats m'était totalement inconnue avant l'idée de prendre
ce sujet comme objet d'étude pour nos TPE. L'idée me plaisait
pour plusieurs points, le premier étant que c'était un sujet dont
je ne connaissais rien, que j'ai pu découvrir et su apprécier.
L'idée avec Auriane était que l'on choisisse un sujet concernant
l'Italie qui pouvait compléter un peu plus nos connaissances sur son
histoire surtout en ce qui concerne le domaine musical. Il n'a pas été
facile de trouver une problématique puis finalement, on s'est retrouvées
avec un plan bien construit, qui ciblait bien le sujet et qui pouvait aboutir
à une réponse à la problématique : " les Castrats
: monstres ou créatures divines ? ". Ayant déjà fait
un TPE l'année précédente, je peux comparer mes impressions
de cette année et celles de l'autre et il est vrai que le sujet des Castrats
m'a plus plu que celui de l'année dernière. J'avais vu les TPE
d'un mauvais il et finalement j'en conclus que c'est une manière
intéressante de travailler, malgré le fait qu'elle prenne énormément
de temps, surtout quand on veut être satisfait du produit final. J'ai
rencontré surtout des difficultés d'organisation car il n'est
pas facile de cumuler le travail déjà donné dans les matières
générales et ce travail de recherche, de rédaction qui
est une grosse prise de temps.
Par ailleurs, je pense que le choix de la personne avec qui l'on se met pour
faire le travail est très important. S'il y a une bonne entente entre
les personnes composant le groupe et qu'elles ont les mêmes idées,
les mêmes envies et le même but, c'est très motivant.
Je fais donc un bilan positif de ce TPE, car le produit fini sous forme de dossier
papier avec en plus une organisation pour faire défiler des images et
de la musique en même temps que le travail est récité, est
un aboutissement plutôt encourageant.
Julie Maridet
Nous avions au départ opté pour un sujet sur l'architecture, puis
sur la sculpture, et finalement nous avons choisi d'aborder celui-là
: les Castrats. Tout comme Julie, je n'y connaissais rien. Etant passionnée
par l'Italie et la musique, la proposition de ce sujet fut déjà
une satisfaction ; car selon moi pour s'impliquer dans un travail qui s'étend
sur tellement de temps la motivation est essentielle.
Ensuite nous avons dû chercher une problématique répondant
à l'idée de " frontière " : elle était
toute trouvée. En effet le mystère qui plane sur la nature et
l'étrange succès des castrats offre toute une série d'ambiguïtés
et d'équivoques qui nous ont permis de formuler notre problématique,
" les castrats : monstres ou créatures divines ? ", et de trouver
le plan.
Nous avons eu la chance d'avoir à disposition des sources d'informations
diversifiées : des revues et magazines, des tableaux, des livres et surtout
une aide très précieuse pour mieux nous faire comprendre les différents
aspects de la vie d'un castrat et nous permettre d'entendre la reconstitution
par effets spéciaux de le voix d'un Castrat : le film Farinelli de Gérard
Corbiau dont nous avons d'ailleurs pu tirer des images très intéressantes.
Une des seules limites auxquelles nous avons pu être confrontées
est qu'il est aujourd'hui impossible d'entendre une vraie voix de Castrat, l'enregistrement
effectué par le dernier Castrat recensé Alessandro Moreschi étant
inaudible à cause de sa vétusté. De plus j'ai pu exploiter
mes outils informatiques et internet qui nous ont été très
utiles.
Personnellement j'ai été très intéressée par ce TPE et ai beaucoup appris sur la société italienne de l'époque, et même la musique en elle-même. C'était la première fois que j'entreprenais un tel travail et j'avoue qu'au départ cela m'a un peu effrayée ; mais le fait que Julie et moi nous entendions très bien et que avancions au même rythme m'a beaucoup encouragée et aidée, même si cela a pris un temps considérable et nécessité une grande organisation, ce que je n'ai d'ailleurs pas toujours su exploiter. Je sors satisfaite de cette nouvelle expérience.
Auriane Becker
Pendant plus d'un siècle, les Castrats ont dominé l'Opéra italien. Mais même encore de nos jours, le phénomène des Castrats fascine tout en laissant planer un certain mystère quand à leur nature et l'origine de cette voix surhumaine, qui leur a valu un succès phénoménal aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant, parmi les nombreux et divers traces et témoignages auxquels nous avons accès de nos jours, une grande partie en souligne pourtant les aspects excentriques et grotesques, et l'on sait que cette pratique a toujours été plus ou moins cachée ou dissimulée pour ne pas enfreindre au grand jour les lois et morales de l'éthique. Alors les Castrats sont-ils des Monstres ou des Créatures divines ?
I- Naissance et grandeur des Castrats
I - 1. Naples, ville baroque par excellence
Naples est reconnue comme une ville clé de l'expansion du phénomène
des castrats. En effet on y a observé la prolifération des écoles
de chants, la naissance de castrats importants mais surtout cet intérêt
très marqué pour cette nouvelle idéologie musicale. Nous
allons donc vous présenter assez rapidement cette ville typique de l'époque
des castrats, à l'activité musicale très importante et
qui remonte à des temps plus anciens, et où aux XVIIème
et XVIIIème siècles on a pu observer un engagement important dans
l'idéologie baroque.
Dès le Moyen-Age, Naples est une ville animée de multiples spectacles. Il faudra pourtant attendre la Renaissance pour voir apparaître une activité musicale vivante en profondeur. Les premières chansons napolitaines sont publiées au milieu du XVIème siècle et les premiers hospices sont crées (préfiguration des conservatoires), ce qui à l'époque a contribué au rayonnement napolitain mais n'évoque plus rien pour les contemporains.
Au XVIIIème siècle, les conservatoires prolifèrent et l'on dénombre dans cette deuxième plus grande ville d'Europe _ après Londres et devant Paris _ de 400 000 habitants, pas moins de cinquante salles d'opéras dont la moitié est permanente.
En résumé, des chansons du XIIIème siècle aux prodiges des grands napolitains comme Caruso et De Lucia, le chant colle à la peau des napolitains à toutes les époques et sous toutes ses formes.
De plus, le Baroque Napolitain constitue une étape importante de l'expansion du Baroque.
Dans l'hyperbole, l'homme baroque pratique les figures violentes, les contrastes, les ruptures. En débordant du cadre sévère de la figure, il est poussé par sa soif d'absolu et son goût immodéré pour l'infini ; à ces idées correspondaient parfaitement les castrats : une voix capable d'atteindre les extrêmes avec toute la puissance imaginable, transgressant les lois de distinction homme/femme autant sur le point de la voix que de l'apparence physique, allant même, avec de tels attributs physiques, jusqu'à défier les limites entre l'humain et l'inhumain.
Dessin pour un décor d'opéra XVIII° siècle
On en conclut donc sans aucune difficulté que Naples a été une ville idéale pour accueillir ce nouveau courant et le mener à la prospérité. On est donc pas surpris de savoir qu'elle a compté parmi les villes les plus impliquées dans ce phénomène musical.
I - 2. De l'art d'être castrat
On pense que la castration avait déjà été pratiquée
bien avant cette époque dans les civilisations antiques asiatiques et
orientales mais l'on n'en sait que peu de choses.
Mais pour
comprendre l'histoire des castrats en Europe à l'époque moderne,
l'on doit se référer aux Ecritures : l'Eglise appliquait à
la lettre un passage de la première Epître de Saint Paul aux Corinthiens
:
" Que vos femmes se taisent dans les assemblées "
En conséquence, durant tout le Moyen-Age, les femmes étaient interdites de séjour dans le chur des églises, la liturgie et les messes chantées furent donc l'affaire des hommes seuls. Pour les registres aigus on faisait appel soit aux hautes-contres ou contre-ténors, soit aux jeunes garçons.
On remarque donc qu'au départ la castration n'était pas pratiquée dans le but de former des chanteurs d'opéra mais des chanteurs d'église; cette transformation des registres musicaux est cependant liée au changement de tendances musicales : les voix les plus en vogue à l'époque étaient les voix aiguës, en particuliers les soprani, à qui on attribuait une fonction plus importante dans le chant qu'aux voix graves. On eut donc besoin de trouver de plus en plus de voix mâles à la fois aiguës et puissantes ce qui devenait de plus en plus difficile avec le développement de la polyphonie. Célèbre pour ses maîtrises, Rome eut alors recours, au milieu du XVIème siècle, à la castration pour conserver aux jeunes chanteurs leur voix pure et cristalline.
Par cette opération, qui consistait à enlever les testicules avant
la puberté, on empêchait la sécrétion de la testostérone,
l'hormone mâle qui marque les caractères sexuels, les privant ainsi
de toute possibilité de reproduction.
En conséquences, la mue était bloquée, le larynx, au lieu
de s'allonger pour donner progressivement une voix plus grave, ne bougeait plus
: il conservait donc les aigus de l'enfant et de la femme mais les rendait avec
une puissance masculine. Le volume important de la cage thoracique et les plus
grands espaces de résonance joints à la tessiture élevée
d'un jeune garçon produisaient un grand volume sonore, un rayonnement
fantastique et une virtuosité inconnue jusqu'alors. Ainsi Farinelli,
un des plus célèbres castrats, pouvait parcourir trois octaves
avec la même puissance.
Bien évidemment,
ainsi que l'attestent tous les témoins du temps, la physionomie des castrats
tout comme leur comportement s'en trouvait considérablement modifiée,
pour ne pas dire perturbée. En effet l'enfant mâle castré
gardait une apparence plutôt féminine : peau fine, système
pileux peu développé, voix aiguë, musculature faible, os
des membres grêles. On notait aussi chez les castrats une tendance à
l'obésité.
Farinelli représenté par Jacopo Amigoni
Tous ces critères physiques féminins annexés à l'importance de la cage thoracique et de leur haute taille, en faisaient des personnages disproportionnés, presque difformes, et dont le qualificatif le plus approprié de nos jours serait " baroques ".
Caricature représentant farinelli
I - 3. Paysage musical du moment:: tendances et protagonistes
L'opéra naît en 1607 avec "L'Orfeo" de Monteverdi, qui permet de faire la transition entre l'époque de la Renaissance et l'époque Baroque. Cet oeuvre est le premier drame musical où l'on y a trouvé un Castrat jouant le rôle de Néron, pour une tessiture de soprano.
Plus tard, en 1679, un autre compositeur italien nommé Scarlatti, né à Naples, crée "L'Errore innocente" et en 1684, il fait un véritable succès avec " Pompeo ". Il est nommé maître de chapelle à plusieurs reprises, dans des villes diverses, notamment à Florence par la famille des Médicis.
On connaît ensuite Vivaldi, un compositeur et aussi violoniste italien qui crée en 1724 ses trois plus grands opéras qui sont "Les quatre saisons", "La tempesta di mare" et La notte". Il va dans des villes comme Venise, Amsterdam, Vienne ou encore en Allemagne pour travailler ses compositions. Vivaldi se démarque des autres compositeurs par la richesse de sa musique baroque instrumentale.
Antonio Vivaldi
Un compositeur anglais d'origine allemande fait son apparition avec "Almira", du nom de Georg Friedrick Haendel. Il créé d'autres opéras comme "Tamerlo", dans lequel il choisit le premier grand ténor italien, Francesco Bonosini. Il s'agit du premier rôle important de ténor de toute l'histoire. Cet homme avait le don de l'improvisation, il se basait sur ses anciens opéras pour en faire de nouvelles versions. Il connu un énorme succès à Londres et dans toute l'Europe.
Par la suite, un autre compositeur allemand apparaît avec un opéra intitulé "Artaserse", interprété à la Scala de Milan en 1741. Il créé deux autres opéras , l'un en 1746 "Sofonista" et l'autre "Artamène en 1746. Il collabore aussi avec le poète italien Ronieri de Lalzabigi et créent ensemble "Orfeo ed Euridice". Cet oeuvre est reprise par un Castrat soprano qui chantait et jouait le personnage d'Orphé.
Enfin, Verdi s'est consacré à l'opéra à partir de 1713. Il créé des opéras musicaux tels que "La traviatta", "Rigoletto" ou encore "Il trovatore". Verdi fait partie des compositeurs scéniques italiens les plus prisés.
Entre 1720 et la Révolution, l'opéra était animé par des Castrats, ces garçons castrés pendant leur enfance, qui conservait jusqu'à la fin de leur vie cette voix aiguë, comme Nicolini, Senesino, Caffarelli ou encore l'un des plus grands castrats : né en 1705 et mort en 1782, Farinelli de son vrai nom Carlo Broschi, a étudié le chant à Naples avec Nicola Porpora. Après plusieurs représentations, il s'installe à Madrid à la Cour du Roi Philippe V. Il ruine Haendel à Londres en faisant partie de la troupe rivale mais réussit à aller jusqu'à le troubler fortement pendant cette représentation par la magnificence de sa voix et les émotions qu'il réussit à y faire passer.
Le dernier Castrat connu, Allessandro Moreschi, meurt en 1922. Un enregistrement de Moreschi révèle une qualité éthérée mais passionnée.
II - 1. Les castrats: monstres ou créatures divines?
C'est au XIIIe siècle qu'ils ont exercé une fascination sans précédent sur l'Europe entière, régnant superbement en véritables vedettes, divas, monstres sacrés.
Une véritable infrastructure fonctionnait à merveille pour rechercher des jeunes garçons ayant une jolie voix, les amener, par des moyens plus ou moins scabreux (séduction, menaces, chantage, enlèvements...) à subir l'opération et suivre un enseignement musical plus poussé. Tous les moyens étaient bons pour avoir ces jeunes gens, sans compter que les parents étaient trop heureux de confier un ou deux de leurs enfants contre de l'argent. Plus tard, quand le résultat était satisfaisant, leur exportation hors de l'Italie était une excellente affaire. Ainsi pour contribuer à cet équilibre économique, certaines autorités n'avaient aucun remord à approuver et même financer la castration.
Face à cette nouveauté dans le monde de l'opéra, certaines personnes éprouvaient une attirance pour ces corps asexués et androgynes. On peut encore voir qu'à notre époque, les fantasmes autour des Castrats ne sont pas tous morts. En Italie, ce phénomène eut un succès absolument formidable. Les castrats étaient très demandés et invités dans toutes les grandes villes, les grands théâtres et les ballets de cour. En France, les Castrats sont apparus relativement tard, au milieu du XVIIe siècle. Louis XIV était tellement impressionné, qu'il conserva une troupe de Castrats italiens à la Cour.
Leur existence dans l'Europe moderne et les réactions à leur égard sont révélatrices d'un courant de sensibilité et de mentalité. Toutefois, cet émerveillement devant leur habilité musicale ne semble pas avoir été partagé partout. En Angleterre, on n'appréciait pas spécialement leur façon de chanter et certains étaient totalement réticents. Les anglais sont aussi gênés par les techniques vocales des Castrats et leur répertoire italien que par le timbre de leurs voix.
En France
au XVIIIe siècle, on constate que les Castrats avaient attiré
l'attention des philosophes des Lumières comme Voltaire qui fait référence
à ces êtres dans "La princesse de Babylone":
"Ayant pénétré jusqu'à un temple qui lui parut très beau, mais moins que celui de Babylone, il fut assez surpris d'y entendre une musique exécutée par des hommes qui avaient des voix de femmes. "Voilà, dit-il, un plaisant pays que cette antique terre de Saturne! J'ai vu une ville où personne n'avait son visage; en voici une autre où les hommes n'ont ni leur voix ni leur barbe." On lui dit que ces chantres n'étaient plus hommes, qu'on les avaient dépouillé de leur virilité afin qu'ils chantassent plus agréablement les louanges d'une prodigieuse quantité de gens de mérite. Amazan ne comprit rien à ce discours. Ces messieurs le prièrent de chanter; il chanta un air gangaride avec sa grâce ordinaire. Sa voix était une très belle haute-contre. "Ah! monsignor, lui dirent-ils, quel charmant soprano vous auriez! Ah!si..._ Comment, si? Que prétendez-vous dire? _ Ah! monsignor!..._ Eh bien?_ Si vous n'aviez point de barbe!" Alors ils lui expliquèrent très plaisamment et avec des gestes fort comiques, selon leur coutume, de quoi il était question. Amazan demeura tout confondu. "J'ai voyagé, dit-il, et jamais je n'ai entendu parler d'une telle fantaisie."
D'autres
écrivains y font référence, comme Stendhal ou Balzac dans
son livre "Sanasine".
Parfois, quand un castrat travaillait mal, leurs mécènes leur
disaient que " leur castration leur avait laissé leur humanité
", dans le sens qu'on ne les considérait pas comme des humains mais
bien des surhumains ; l'on note donc ici la notion de " créatures
divines ".
Mais d'autres fois, lorsque quelqu'un de l'extérieur entendait un castrat
qui chantait mal, il compatissait en se disant que ce n'était pas de
sa faute mais bien parce qu'il était castrat, et même parce qu'il
avait des spécificités féminines ; ils assimilaient alors
les castrats à des femmes et donc, pour l'époque, à des
êtres inférieurs aux vrais mâles.
Certaines
personnes ont également donné quelques témoignages de leurs
impressions:
"Véritable ou non, cette histoire nous donne de précieux
renseignements. A travers le discours ; ils soulignent la bonté du Roi,
percent des sentiments ambivalents et contradictoires à l'égard
des Castrats. Réactions que partageront beaucoup de français qui
toujours mêleront l'admiration, la compassion et l'ironie pour aboutir
dans la seconde moitié du XVIIIe siècle à la dénonciation
de cette pratique."
Caricature représentant Farinelli avec une grande dame de la cour et
Haendel en arrière plan
" Castrone " (gros castré) était le terme péjoratif
le plus utilisé dans les satires ; " cappone " (chapon ) en
était une variante. Aussi le jeu de mots " coglione " (couillon).
Par ceci l'on observe le mépris qui pouvait émaner de la société
à leur égard.
On peut
noter que parmi les témoignages, certains s'opposent totalement:
"Les voix sont fortes, perçantes, flexibles, nettes, touchantes;
elles pénètrent jusqu'à l'âme; elles sont rossignolantes
et enchantées." Abbé François Raguenet
"Les voix perçantes des Castrats finissant par irriter et blesser
l'oreille, et des chanteurs sont rapidement bien laids, bien ridés, vieux
et fanés de bonne heure." Jean Leclerf de la Vieville
Ainsi l'on note que malgré le fait qu'ils aient été intégrés dans le cur de la vie sociale des cours et des grandes villes italiennes, et qu'ils aient joui d'un rôle et d'une influence sur la culture italienne, les Castrats ont été l'objet de commentaires ironiques et hostiles qui les maintinrent à " distance de sécurité ", en marge de la vie quotidienne.
II - 2. Le péché mignon de l'Eglise ?
Si cette ambiguïté règne au sein de la société,
elle est d'autant plus importante au niveau de l'Eglise, car sollicitée
en premier lieu par l'Eglise, la castration viole toutes les lois de la religion
catholique. L'on explique alors mal l'initiative de cette pratique par l'Eglise
; bien que, comme nous l'avons vu précédemment, la mode était
aux voies aiguës qui devaient nécessairement être mâles
dans les churs.
Chapelle Sixtine, Vatican, Rome
Tout d'abord il est certain que l'Eglise recevait un certain bénéfice de cette nouvelle tendance à la castration : les enfants que l'on destinait à être châtrés étaient voués pour la plus grande majorité à une vie ecclésiastique puisqu'ils étaient privés de toute possibilité de reproduction, ce qui à l'époque ne choquait pas _ en effet l'éthique religieuse luttait pour prévenir les relations sexuelles hors mariage. A l'époque, destiner un de ses enfants à la vie religieuse coûtait moins cher que le destiner à une carrière militaire ou au mariage, pour les familles plus aisées, et correspondait à une espérance de garantie pour les temps durs pour les familles plus modestes. Ainsi ce nouveau " zèle " constituait une véritable source de vocations pour l'Eglise en plus de fournir des chanteurs de qualité pour les églises et chapelles, ce qui contribuait à la grandeur de l'Eglise
Même dans les classes religieuses les avis sur les Castrats divergeaient selon l'époque, le pape au pouvoir et même selon l'amplitude du succès des Castrats.
On peut
affirmer sans grand risque que depuis le début la pratique de la castration
volontaire était désapprouvée par l'Eglise. En effet la
théologie affirme que nous sommes non pas propriétaires mais gardiens
du corps que Dieu nous a donné.
Au départ, lorsque la castration était un phénomène
plutôt rare, on pouvait croire que les chanteurs châtrés
qui prétendaient l'avoir été par maladie ou nécessité
le disaient à juste titre. En revanche, quand le nombre de castrats commença
à augmenter fortement, l'explication devint moins valable car beaucoup
utilisée et alors certains mécènes qui jusque là
se contentaient de leur enseigner sous l'autorité de l'Eglise le chant
religieux, prirent en charge de jeunes chanteurs individuellement pour les castrer
volontairement sans le faire savoir afin de les faire travailler à un
rythme effréné pour les destiner à l'opéra. Et ce
fut un succès phénoménal.
Grâce à l'influence de Papes passionnés d'opéras
tels Urbains VIII Barberini et Clément IX Rospigliosi, certains chanteurs
de chapelle castrats furent autorisés, vers la moitié du XVIIème
siècle, à apparaître dans des opéras. Mais ces opéras
auxquels ils prenaient part revêtaient tout de même un caractère
sacré. Un peu plus tard, cette façon d'agir aurait été
désapprouvée par des papes plus rigoureux.
Cette pratique devint moins acceptable au cours du XVIIème siècle. Beaucoup de castrats la justifiaient en affirmant que dans leur enfance elle avait été nécessaire à cause d'une maladie ou d'un besoin. Une des motivations les plus en vogue était la morsure de cygne ou d'une bête sauvage. Farinelli se justifia par une chute de cheval. A la moitié du XIXème siècle, où le nombre de castrats commençait à diminuer considérablement, tous ceux qui restaient à la Chapelle Sixtine se disaient victimes de (maiali ?).
La pression de la concurrence dut être forte puisqu'à un certain point les autorités de Saint Pierre étaient contraintes à licencier chaque chanteur qui se serait absenté sans permission poue aller chanter à l'opéra.
Les postes dans les cours ecclésiastiques étaient maintenus à vie et offraient le plus souvent la perspective d'une sorte de pension (pouvaient devenir de vrais serviteurs de la couronne, maîtres de fête, diplomates). Ensuite les + riches pouvaient se retirer tranquillement dans des villas de campagne luxueuses.
De par leur apparence qui présente un personnage difforme et quelque part surprenante, dès l'instant qu'un Castrat se mettait à chanter, le public était comme envoûté par cette voix extraordinaire. A ce moment précis, les gens faisaient abstraction de son physique ou l'assimilaient à une créature fantastique embellie par sa voix. Le Castrat était en fait, à la fois un monstre de par son physique mais surtout, il ressortait bien comme une créature divine grâce à sa voix et l'émotion qu'il faisait passer.
"Le Castrat n'est ni homme ni femme, voix de femme dans un corps d'homme, union du masculin et du féminin : plénitude retrouvée."